La durée de conservation des films est en grande partie liée aux conditions de stockage mais également à la nature chimique du support de la pellicule et à la technologie utilisée pour l’émulsion.
Il a existé dans l’histoire du film argentique, trois types chimiques de support de pellicule : le nitrate de cellulose (aussi appelé « film flamme ») utilisé pour le format 35mm entre 1889 et 1953, le support acétate (utilisé dès son lancement pour les films d’édition destinés aux amateurs comme par exemple le Pathéscope de 28mm en 1912), jusqu’à ce qu’il soit remplacé à son tour par le support polyester. Inventé après guerre, sa diffusion commença chez certains fabricants de pellicules en Super 8 dès les années 1960, mais c’est surtout à partir des années 1980 que la transition s’est effectuée. Depuis 1997, il s’est imposé pour presque tous les usages sauf parfois (comme chez Kodak) pour les négatifs de prise de vue (car son hyper résistance mécanique peut endommager une caméra).
On reconnaît le support polyester qui est très résistant à sa transparence comme, ci-dessus, au centre de cette bobine.
Il est également plus fin que son équivalent tri acétate ce qui fausse un peu l’appréciation de sa durée au jugé qui est donc plus longue.
(Copyright @ Frédéric Rolland Le Cinématographe)
Pour les amateurs (comme pour les professionnels), la conservation de la pellicule film en support di-acétate ou tri-acétate est donc un problème majeur, puisque qu’avec le temps et dans de mauvaises conditions de conservation, la cellulose contenue dans la pellicule libère de l’acide acétique en émettant une forte odeur de vinaigre, d’où le terme de « syndrome du vinaigre ». A partir du moment où ce processus de dégradation est enclenché, la destruction totale du film peut être rapide et il n’est possible de freiner cette pathologie que par un stockage au froid, le temps de procéder à un « transfert de support » (via par exemple un télécinéma numérique).
Effet du "Syndrome du Vinaigre", tant sur la pellicule que sur la bobine métal
(Copyright @ Frédéric Rolland Le Cinématographe)
Idéalement, un film doit être stocké au froid et au sec, principe à retenir pour les simples particuliers ou mêmes les centres d’archives les plus modestes qui n’ont pas la possibilité de maintenir un espace de stockage à 3°C et 35% de taux d’humidité, qui sont les conditions idéales.
Des spécialistes indiquent qu’à 20% d’humidité et 4°C, les films tiendraient 800 ans. A température « normale » de 14°C et 60% d’humidité, la durée de conservation serait ramenée à 75 ans.
Une cave saine (donc peu humide) sera préférée à un grenier présentant généralement de fortes variations de température. Avec une température assez constante, un éloignement du sol et des boites en bon état (et surtout non oxydées), les films pourront se garder une vie entière.
L’état mécanique du film est également un paramètre important, d’autant que beaucoup de films amateurs sont des inversibles (c’est-à-dire qu’ils sont des éléments uniques). Chaque manipulation s’accompagne du risque de rayer le film ou d’abîmer les perforations. Avec le temps et les problèmes de conservation, la pellicule devient sèche donc moins souple et plus fragile. Des colures approximatives, des adhésifs acides, des bobines déformées, etc. sont autant d’éléments qui abîment eux aussi, souvent définitivement, un film.
De nombreux autres paramètres peuvent menacer le film comme les champignons.
Un contrôle régulier des films et des boites est donc souhaitable.
Contrôler l’état général de ses films une fois par an est recommandé. Il faut, à défaut d’effectuer un test avec un papier PH (A-D Strips) pour détecter un niveau d’acidité anormal, « sentir » ses films pour repérer une éventuelle odeur de vinaigre. Peu avant le passage d’un film dans son projecteur, il faut nettoyer sa copie avec un tissu spécial, non abrasif ou idéalement une très fine couche de produit de type « Net film » ou équivalent. Il faut également trouver un compromis dans le niveau de serrage du film, car trop ou pas assez peuvent être dommageables pour le film.
Concernant l’émulsion, l’image d’un film (côté mat de la pellicule) présente souvent des problèmes de vieillissement en virant au rouge (ou au rose) lorsqu’il s’agit de toutes les techniques dites « chromogènes » (avec des colorants disposés dans des couches superposées sur un support unique) dérivées de la technologie allemande mise au point par Rudolf Fischer pour la firme Agfa vers 1939 et reprise, après guerre, par tous les pays dans le monde. Malgré de nombreuses améliorations, le virage des couleurs est inévitable, même pour les copies récentes, ce qui est visible dans des délais parfois inférieurs à une décennie.
Le processus de développement des films depuis le négatif jusqu’au positif a souvent été mis en avant. De mauvais rinçages de produits qui continuent d’agir sur le film, peuvent être un des paramètres qui jouent, avec les conditions de stockage, sur la vitesse du « virage » des couleurs. Dans une certaine mesure, il est possible de rattraper le niveau des couleurs lors du traitement logiciel des images après acquisition numérique.
Cependant, outre le (vrai) noir et blanc à la chimie plus simple et stable que la couleur, d’autres technologies sont bien plus pérennes comme le Kodachrome : un film couleur inversible très fiable, introduit dès 1935, qui a été massivement utilisé par les cinéastes amateurs jusqu’en 2009.
Autre technique, quasi insensible au temps, le tirage des copies en « Technicolor n4 » dite par « imbibition », dont la technique ressemble un peu au principe de la lithographie, mais qui fut, sauf exception, réservée aux copies positives 35mm ou 16mm professionnelles jusque dans les années 1970.
Dans le domaine des enregistrements sonores des films amateurs, s’il s’agit d’enregistrement en son optique, c’est-à-dire avec une piste à densité variable inscrite sur la pellicule, sa conservation est associée à celle de l’émulsion puisqu’il s’agit d’une image. Par contre, toutes les pistes magnétiques sont amenées à s’effacer ou, a minima, à perdre une bonne part de leurs informations au bout de quelques décennies.
En outre, ces pistes magnétiques qui se conservent mal, peuvent favoriser le syndrome du vinaigre.
Rappelons également que les projecteurs doivent être correctement entretenus et qu’une griffe abîmée est, par exemple, le meilleur moyen d’endommager définitivement un film. Il est clair que, dans ce domaine, commence à se poser des problèmes logistiques (ou parfois même réglementaires si on pense aux changements de lampes).
Beaucoup de projecteurs (souvent les plus anciens) sont certes très rustiques et solides, mais ils ont besoin de fonctionner de temps à autre, sinon ils se grippent. Trouver des pièces ou des réparateurs compétents va devenir de plus en plus compliqué et les condensateurs chimiques ou l’électronique déjà présente de façon significative dans la génération des projecteurs Super 8 nous rappellent que ces mécaniques ne sont pas éternelles et souvent plus coûteuses à réparer que leur valeur sur le marché de l’occasion.